Juridique

La fin du contrat de franchise

La plupart des contrats de franchise sont conclus à durée déterminée. Dans ces cas et sauf renouvellement, l’arrivée du terme marque donc la fin des relations entre franchiseur et franchisé.

Quelles vont être les conséquences pour l’un et pour l’autre ? Comment gérer la répartition d’une communauté de droits, d’intérêts, quelquefois de biens communs, établie au cours du temps sur plusieurs années ?

On étudiera ci-après les principaux points à surveiller dans le cadre de ces fins de contrats. On écartera l’hypothèse d’une sortie contentieuse. Une fin disputée de la relation contractuelle obéirait aux mêmes règles que celles décrites ci-après, mais elle serait également susceptible d’autres suites plus complexes. On s’en tiendra donc à l’hypothèse la plus simple et la plus fréquente.

Le droit d’entrée

Les sommes versées par le franchisé à titre de droit d’entrée au moment de la signature du contrat restent en principe acquises au franchiseur qui n’a pas à en restituer le montant. Cette somme représente en effet la contrepartie financière d’une série d’avantages et de prestations dont le franchisé a reçu le bénéfice (assistance initiale, accès à la marque, réservation de zone, …). Il est donc parfaitement logique que le franchiseur conserve le prix des avantages et services procurés.

Le savoir-faire

Une fois transmis au franchisé, le savoir-faire du franchiseur ne peut être restitué. Selon la même logique que précédemment, le franchiseur a acquitté tout au long de l’exécution du contrat le prix du savoir-faire par paiement des redevances. Juridiquement, il a donc le droit d’en conserver la connaissance, l’usage et l’exploitation.

Le procédé peut paraître choquant puisqu’à première vue le réseau franchiseur pourrait ainsi être concurrencé par l’un de ses anciens adhérents. On doit toutefois conserver à l’esprit que le franchiseur a obligation de renouveler et de faire évoluer son savoir-faire. Ainsi, après un délai raisonnable, le savoir-faire détenu par l’ancien franchisé deviendra obsolète en comparaison des nouvelles méthodes exploitées par le réseau.

En outre, l’éventuelle concurrence temporaire entre réseau franchiseur et ancien adhérent peut être contrée par l’application de clauses de non-concurrence prévues au contrat (voir ci-après).

Les marques et enseignes

Le droit d’usage concédé par le franchiseur sur ses marques et enseignes constitue un élément essentiel du contrat de franchise. Il ne peut toutefois se poursuivre en dehors de ce contrat.

La rupture du contrat oblige donc le franchisé à abandonner l’usage des marques, enseignes, plus généralement signes distinctifs du réseau franchiseur. Dans l’hypothèse où cette enseigne avait été mise à sa disposition, il doit le restituer.

Plus généralement encore, le franchisé prendra même le soin si nécessaire, de réaménager son point de vente afin qu’il ne présente plus d’identification de forme (mobiliers particuliers, codes couleurs, éclairage, habillement du personnel, …) avec le réseau du franchiseur. Dans le cas contraire, celui-ci pourrait saisir les Tribunaux pour obtenir une transformation forcée du point de vente, outre une éventuelle indemnité. Le franchiseur a même obligation d’entamer une action de ce type. Il le doit au reste du réseau dont les membres acquittent des redevances pour pouvoir bénéficier de l’image de marque de la chaîne.

Les stocks du franchisé

Le problème ne se pose utilement que si le franchisé a acheté les stocks dont il est détenteur. Dans le cadre des contrats où il n’en est que dépositaire, le franchiseur/fournisseur les récupère à l’issue du contrat puisqu’ils sont restés sa propriété.

Dans l’hypothèse la plus fréquente où le franchisé est devenu propriétaire de son stock, rien n’oblige le franchiseur à le racheter (sauf clause contractuelle contraire).

Bien plus, dans l’hypothèse où les produits détenus sont marqués et identifiés par le réseau, ou encore s’il s’agit des produits exclusifs de la chaîne, le franchisé ne pourra en outre plus les proposer à la vente puisqu’il n’est plus autorisé à établir un lien quelconque entre lui et le réseau qu’il a quitté.

Il faut toutefois relativiser ce principe. Dans la plupart des hypothèses qui ont donné lieu à jurisprudence, la question s’est appréciée au cas par cas. La rédaction du contrat, les circonstances du non renouvellement, les fautes de l’une ou l’autre des parties sont autant de paramètres qui peuvent conduire à des aménagements du principe cité, voire à sa remise en cause pure et simple.

En tout état de cause, la référence la plus sure reste la rédaction du contrat. Selon les réseaux, on observe tour à tour des clauses imposant au franchiseur la reprise du stock détenu par le franchisé ou à l’inverse une clause excluant la reprise de ces stocks. Dans ces cas, le droit applicable est donc fixé par les parties.

La clientèle

La question de la répartition de la clientèle a donné lieu, il y a une dizaine d’années, à une jurisprudence très discutée. Une série de décisions avait en effet choisi de refuser la propriété d’une clientèle commerciale au franchisé. Pour les Juges, la clientèle était essentiellement attirée par l’enseigne du franchiseur. Ni les qualités propres du franchisé, ni sa personnalité n’entraient en ligne de compte pour l’attrait du chaland.

On ne reviendra pas sur les très nombreux commentaires suscités par ces décisions. La Cour de Cassation est venue remettre bon ordre en la matière. Il n’est désormais plus contestable que la clientèle d’un magasin franchisé est à tout le moins partagée. Certes une partie d’entre elle est indiscutablement attachée à l’enseigne. Une large part également prend en compte les qualités commerciales du franchisé. Au terme du contrat, le franchisé dispose donc de sa clientèle qu’il reste loisible d’exploiter sous certaines réserves.

Réimplantation du franchiseur

En ce qui le concerne, le franchiseur dispose d’une totale liberté de réimplantation.

Il existe là encore un nombre non négligeable de jurisprudences qui confirment le franchiseur dans ce droit. Dans ces différents procès, les Juges ont toujours estimé qu’après cessation d’un contrat de franchise, le franchiseur restait libre d’ouvrir un nouvel emplacement franchisé ou succursale à proximité de celui de son ex-adhérent. Sauf à démontrer qu’il y a dans cette opération une forme de manœuvre visant à nuire délibérément à l’ancien adhérent, le franchiseur n’encourt ni interdiction ni sanction.

Clauses de non concurrence

A l’opposé, la très large majorité des contrats de franchise incluent à leur rédaction une clause de non-concurrence. Par cette clause, le franchisé s’interdit à la fin du contrat de continuer à exploiter la même activité ou d’exploiter une activité directement concurrente de celle du franchiseur.

La jurisprudence est constante. Les Juges valident les clauses de non-concurrence. Cette validation reste toutefois soumise à conditions. La clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Les Juges considèrent que l’étendue et la durée durant laquelle la clause s’applique doivent être proportionnelles à la nécessaire protection du franchiseur. En matière de temps, les Juges exigent une limite maximale de 1 année. En matière d’espace, la question s’apprécie au cas par cas.

Dans l’avenir, le sort des clauses de non-concurrence pourrait être assoupli. Selon certains professionnels de la matière, la jurisprudence commerciale pourrait être tentée de rejoindre progressivement les décisions rendues en matière de droit du travail. Rappelons que dans ce domaine, le salarié doit désormais être indemnisé dès lors qu’il est contraint de respecter une clause de non-concurrence figurant à son contrat de travail. L’avenir nous dira si le franchisé pourra d’ici quelques années bénéficier du même droit.

 

Article cosigné avec Maître Marc Lanciaux, avocat en franchise