La fonction de la recherche marketing est de contribuer à la prise de décision en réduisant l’incertitude des décideurs par l’apport d’informations (JP Faivre).
Le marketing classique (marketing management) s’intéresse au consommateur et accessoirement au distributeur. Le marketing stratégique est orienté vers la concurrence et l’environnement Il nourrit la stratégie globale de l’entreprise dans l’obtention de ses objectifs et la réalisation de ses missions.
La recherche marketing doit donc fournir les informations appropriées à la nature de l’incertitude et au type de décision à prendre, quelle soit tactique ou stratégique
Dans un cadre tactique le problème est clairement identifié et appelle une réponse adéquate. La décision tactique s’appuie souvent sur des informations assez fines et relativement fiables. C’est le cas en ce qui concerne la décision d’ouverture d’un point de vente avec étude préalable de la zone de chalandise.
Dans un cadre stratégique, ce sont les grandes orientations de l’entreprise qui sont en jeu. Il s’agit alors de rassembler des informations pertinentes concernant de multiples facteurs internes et externes, de gérer le caractère partiel et incertain de l’information disponible, et d’organiser les données afin de leur donner un sens, d’être en mesure de les interpréter et de rendre la prise de décision possible et pertinente.
Le but des quelques pages qui suivent est de sensibiliser le lecteur, décideur ou responsable dans le secteur de la franchise, à l’incertitude.
L’incertitude doit être comprise comme une situation résultant d’un déficit d’information et donc de compréhension des évolutions de l’environnement.
Environnement de la firme et incertitude
L’environnement de la firme, son domaine d’action actuel et son domaine d’action potentiel, devient de plus en plus mouvant, de dimension importante, et complexe, ce qui place le décideur en déficit d’information. Quand le décideur est en situation d’ignorance totale ou partielle, il peut rechercher les informations manquantes et attendre que le niveau de certitude augmente, ou bien il peut prendre sa décision à partir des informations existantes.
La fonction de la structure, notamment du Système d’Information Marketing est de collecter et de sélectionner l’information en provenance de l’environnement, afin de transformer les données traitées en informations qui génèrent à leur tour des décisions, qui elles-mêmes auront un impact sur l’environnement (Stratégor). Mais l’organisation est un système ouvert, en équilibre dynamique avec son environnement et que Thomson considère comme confronté à l’incertitude mais ayant besoin de certitudes car soumis à des normes rationnelles.
Trois dimensions de l’environnement qui en structurent l’analyse, sont
retenues :
- le potentiel de l’environnement qui correspond à sa capacité à permettre à la firme d’atteindre ses objectifs de marché et de rentabilité,
- la complexité de l’environnement, définie par le nombre et la variété de ses paramètres et de ses états,
- la mobilité de l’environnement qui résulte de son dynamisme et dont la mesure est la vitesse d’évolution.
L’étude de ces dimensions détermine un système de contraintes au sein duquel la complexité croissante du champ d’intervention de la firme et sa mobilité, engendrent l’incertitude. L’incertitude concerne l’avenir, les événements ainsi que les résultats des actions de l’enseigne.
Pour Boisseau & Tarondeau, l’incertitude se caractérise par les liens, nombreux et complexes, qui associent la firme et ses partenaires externes, mais aussi les relations externes entre entités contribuant aux activités de la firme. L’augmentation de l’incertitude accroît les dépendances externes de la firme (Thomson). A l’inverse, sa réduction procure des degrés de liberté et augmente la marge de manœuvre.
L’incertitude se concrétise par l’événement imprévu, la perturbation à laquelle l’enseigne doit apporter une réponse par un ajustement optimal en termes d’offre, de temps de réponse et de coût.
Incertitude et risque
Incertitude et risque sont des notions souvent confondues mais la distinction est cependant fondamentale. Galbraith définit l’incertitude comme la différence entre la quantité d’informations détenue et la quantité d’informations requise.
L’incertitude dépend donc du niveau et de la qualité de l’information que détient le décideur, de sa connaissance de la situation (et aussi du niveau de confiance qu’il a dans ses estimations et ses prévisions), alors que le risque est la conséquence d’une situation d’incertitude, et de l’action entreprise par le décideur (Penrose). En d’autres termes l’incertitude est liée à l’état de la connaissance alors que le risque dépend à la fois de l’état de la connaissance, et des décisions arrêtées ou actions entreprises.
Le risque est associé à une opération (développement, nouveaux produits, investissements…). Tant qu’aucune décision n’est arrêtée ni aucune action entreprise, il n’y a qu’une situation de risque potentiel. C’est donc la décision qui sépare l’incertitude du risque, et plus généralement les différentes actions ou réactions ou flexibilités, de sorte que la même situation d’incertitude n’implique pas le même risque pour deux firmes considérées.
En fait le langage courant retient une définition moins restrictive quand il évoque un danger éventuel ou la probabilité d’un événement pouvant causer un dommage (Le Robert). Dans ce cadre, un événement éventuel plus ou moins prévisible ne correspond pas seulement à des menaces mais aussi à des opportunités (Threats & Opportunities), bien que le risque de ne pas supporter une menace n’ait probablement pas les mêmes conséquences que celui de rater une opportunité.
Les degrés d’incertitude
L’univers considéré est en général l’environnement de la firme mais les dimensions internes ne doivent pas être ignorées (rigidités structurelles, résistance au changement…).
Que l’univers de la firme présente des menaces ou des opportunités, plusieurs degrés d’incertitude sont à prendre en compte. La classification de Shubick est la plus détaillée. L’information permet au décideur de se situer sur l’une des trois classes suivantes :
- information complète,
- ignorance partielle,
- ignorance totale.
A l’intérieur de chaque classe, différents degrés d’incertitude permettent de classer les événements en certains, vraisemblables, probables, possibles ou impossibles.
Les dimensions de l’environnement généralement proposées par la littérature pour caractériser le degré d’incertitude, sont les suivantes :
- une dimension relative au niveau de complexité dont les deux facteurs déterminants sont la multiplicité des produits et la multiplicité des marchés (Boisseau & Tarondeau), et qui peut être aussi appréhendé par son niveau d’hétérogénéité (homogène-hétérogène) ou son niveau de différenciation (indifférencié-différencié),
- une dimension relative à la mobilité qui peut-être appréhendée par la dynamique de l’environnement (statique-réactif, cyclique- acyclique), sa vitesse d’évolution (constante-variable) et sa turbulence (environnement stable-instable [1], phénomènes continus, discontinus).
La combinaison de ces variables de l’environnement conduit à des situations de quasi certitude (domaine de la planification stratégique), d’incertitude cernée (domaine de la prévision pour ce qui concerne le couple complexité-stabilité car il est possible de réduire l’incertitude à un certain coût et en un certain temps, ce qui n’est guère envisageable en situation d’environnement dynamique où la réponse sera plutôt la flexibilité en tant qu’adaptation ex post), et d’incertitude étendue (gestion du risque).
En termes de changement et d’adaptation, l’environnement peut être perçu par la firme comme stable, évolution sans transformation profonde, prévisible lorsqu’il connaît des modifications importantes mais discernables à l’avance et se prêtant à un calcul des probabilités, turbulent lorsqu’il détermine une forte incertitude à la fois quant à la probabilité des événements et quant à leur nature (Stratégor).
Les degrés d’incertitude induits par l’environnement
Environnement | Simple / Homogène | Complexe / Hétérogène |
Statique / Stable | Quasi certitude | Incertitude cernée |
Réactif / Turbulent | Incertitude cernée | Incertitude étendue |
L’horizon temporel est aussi un paramètre à prendre en compte car la dynamique à court terme de l’environnement n’est pas de même nature que celle à moyen ou long terme (Piganiol).
A court terme, l’enseigne est confrontée à une grande instabilité autour d’un niveau moyen d’activité, instabilité engendrée par des fluctuations régulières d’activités et des variations irrégulières (accidents).
A moyen et long terme l’enseigne doit faire face à une instabilité modérée autour d’une tendance (croissance, stabilité, décroissance) ainsi qu’à des ruptures potentielles liées à des modifications de comportements de consommation, à des changements de taille des marchés ou à l’innovation.
Les sources d’incertitude
Les sources d’incertitude sont nombreuses. Pour l’enseigne comme pour la firme industrielle, les incertitudes sont perçues comme des variables principalement externes et d’ordre économique et technique (la demande, l’offre, la technologie).
Il convient cependant de leur adjoindre des variables psychologiques, socio-culturelles et politico-légales.
Les résultats escomptés sont aussi soumis à l’incertitude : dans l’évaluation des résultats, dans les prévisions générales sur l’évolution du milieu, dans l’appréciation des résultats des concurrents (Ansoff), car l’incertitude découle aussi des limites de la nature humaine, et des imperfections des méthodes et processus d’analyse et de synthèse. Thomson retient une autre source d’incertitude interne, l’incertitude globale portant sur la compréhension des relations de cause à effet.
D’autre part, l’importance de chaque source d’incertitude dépend de la situation particulière de chaque firme. De plus cette importance est évolutive (Ansoff, Declerk & Hayes).
En ce qui concerne les enseignes du commerce moderne, les principales sources d’incertitude sont relatives à la demande et à la concurrence, aux variables démographiques et économiques de la demande et aux évolutions comportementales des consommateurs.
Les facteurs concurrentiels spécifiques de notre époque représentent une source additionnelle d’incertitude avec la généralisation d’une concurrence multiforme, des marchés en voie de saturation et le risque de nouveaux entrants, nouvelles formules de distribution en provenance de l’étranger ou nouvelles formes de vente. Nul ne peut prédire à quel nouveau modèle commercial, pour une catégorie de produits donné, aboutira la concurrence entre des modèles traditionnels de réseaux de magasins (bricks and mortar), des modèles exclusivement internet (Pure player) et des modèles mixtes internet et magasins.
Quant à l’environnement politico-légal, il reste une source d’incertitude par un système de contraintes (interdiction d’ouverture le dimanche, autorisations d’ouverture ou d’agrandissement entre autres) qui pèse sur la croissance, la modernisation et l’adaptation des enseignes aux évolutions de leurs marchés.
Précisons que sur un plan opérationnel, la demande est incertaine en termes de volume ou de niveau d’activité, ainsi qu’en termes de composition (produits, caractéristiques des produits, mais aussi marchés ou technologies).
Cette incertitude croît avec le niveau de diversité des produits qui induit un volume d’autant plus faible pour chaque référence. De plus la durée de vie de chaque produit est incertaine et l’incertitude croît avec la rapidité de l’innovation et des évolutions technologiques dans le secteur considéré, ainsi qu’avec la sensibilité du secteur aux effets de mode.
[1] L’instabilité est le résultat de mouvements contradictoires sans résultante prévisible (Stratégor).