En définissant les différents éléments constitutifs de l’information préalable devant être remise au candidat préalablement à tout engagement de sa part, le législateur, dans sa grande sagesse (comme le souligne Me Olivier Deschamps) a utilisé le terme Etat local du marché et non pas celui d’Etude de marché ou d’Etude de zone de chalandise.
Bien que le sujet ait fait l’objet de nombreux débats et intervention, il apparaît que le terme reste toujours aussi flou pour de nombreux acteurs de la franchise.
Informations relatives à l’état local du marché local, une exigence du législateur
L’article L 330-3 du Code de commerce exige du franchiseur qu’il fournisse, préalablement à la signature du contrat, un certain nombre d’informations formalisées dont un document relatif à la présentation « de l’état (…) local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat « .
Cet état local du marché doit être remis au candidat avec le Document d’Information Précontractuelle. Mais cela exige de la part du franchiseur un travail spécifique et qui représente un coût alors qu’il n’a pas la certitude que le candidat confirmera son engagement. De ce fait il pourrait être tentant pour le franchiseur de procéder à l’élaboration de ce document après la signature du contrat, du précontrat ou d’un contrat de réservation de zone.
L’attention du franchiseur, doit être attirée sur les conséquences d’un défaut d’information. En effet la formation du contrat repose sur l’échange des consentements. Le consentement est l’adhésion du franchisé à la proposition faite par le franchiseur. Le contrat n’est formé valablement que si le consentement est donné en pleine connaissance de cause et librement.
L’application de ce principe est exprimée par l’exigence législative d’une information correcte des parties (contenu du DIP et informations relatives à l’état général du marché d’une part et à l’état local du marché d’autre part) et d’un délai de réflexion (20 jours) entre la remise du DIP et la signature de tout engagement et/ou versement d’une somme d’argent.
L’altération du consentement déterminé par des données inexactes ou manquantes peut avoir pour effet l’annulation ou la résolution du contrat.
Les études de marché
Une étude de marché est une mise en œuvre de techniques de collecte et d’analyse d’informations en vue de répondre à une question marketing (E. Vernette, Marketing fondamental, Eyrolles).
Une étude de marché se définit toujours par une démarche spécifique et une séquence d’étapes : Identification et formulation du problème, recueil des données nécessaires, traitement et analyse des données, interprétation des résultats : conclusions et recommandations
Les études appliquées à la distribution
Dans la distribution on distingue les études a priori ou études pré-ouverture (du point de vente) et les études a postériori ou études post-ouverture.
Les études pré-ouverture comprennent les études d’implantation qui visent à déterminer le lieu d’implantation le plus favorable et la surface commerciale la plus appropriée, et les études de zone de chalandise qui estiment notamment le marché théorique et le marché potentiel du projet.
Les études post-ouverture sont des études quantitatives et qualitatives menées auprès des clients et des non-clients à l’intérieur de la zone de chalandise du point de vente ou de service. Elles indiquent en autres les raisons de fréquentation ou de non fréquentation, les opinions et attitudes, les fréquences de visite et la répartition géographique de la clientèle.
L’état local du marché
L’état
Nous considérons qu’en choisissant le terme Etat local du marché le législateur a retenu le principe d’un ensemble d’informations générales relatives au marché et organisées sous forme d’un état c’est-à-dire d’un descriptif. Ce faisant le législateur laisse le soin aux franchiseurs et aux professionnels du marketing de définir les informations pertinentes permettant au candidat de se déterminer en fonction des éléments apportés par l’Etat local du marché.
Dans ce contexte il appartient au porteur du projet, en tant qu’entrepreneur, de conforter les données de l’Etat local du marché par d’autre travaux d’étude pouvant être utiles quand à la décision de mise en œuvre de son projet.
Le marché
Le terme marché se réfère à l’ensemble des publics, acheteurs, consommateurs, concurrents, distributeurs, fournisseurs, prescripteurs, susceptibles d’exercer une influence sur les ventes du produit considéré.
A un degré plus fin, la notion de marché d’un produit, bien ou service, intègre l’ensemble des données concernant l’importance, la structure et l’évolution de ses ventes.
La localité du marché
Il nous semble qu’il faut comprendre le terme local de l’expression Etat local du marché par rapprochement avec le l’état général du marché, document lui aussi requis par l’article L 330-3 du Code de commerce.
L’état général du marché a défini le secteur d’activité, ses caractéristiques générales au plan national ou européen et ses perspectives de développement.
L’état local du marché a vocation à compléter et à affiner les données générales en intégrant des variables (quantitatives voire qualitatives) propres à l’environnement du projet, variables qui peuvent prendre des valeurs sensiblement différentes selon les zones et impacter les perspectives économiques du projet
De plus en n’utilisant pas le terme zone de chalandise le législateur a là encore laissé aux franchiseurs et aux professionnels du marketing la possibilité de déterminer la zone d’étude la plus pertinente.
L’expérience montre que de nombreux réseaux remettent le DIP avant que le lieu d’implantation du projet ne soit trouvé. Il s’avère donc impossible d’analyser la future zone de chalandise comme dans le cas où le candidat possède déjà un local.
D’autre part la zone de chalandise d’un point de vente est souvent soumise à l’attractivité d’équipements commerciaux extérieurs à la zone ce qui justifie, dans le cas d’une étude de zone de chalandise de qualité, la prise en compte de ces éléments extérieurs au périmètre d’étude.
Le marketing de la distribution utilise un concept qui résout ces questions, celui d’aire de marché. Une aire de marché correspond à une aire commerciale dans laquelle plusieurs points de vente puisent leur clientèle, aire qui constitue soit une, soit plusieurs zones de chalandises plus ou moins superposées. Nous pouvons aussi définir l’aire de marché comme une zone où s’approvisionne une population bien déterminée géographiquement.
Hormis pour les grandes agglomérations, l’aire urbaine (définition Insee) correspond souvent à l’aire de marché du point de vente ou de service. L’aire urbaine est composée d’un pôle urbain, ville-centre plus banlieue, et d’une couronne périurbaine formée des communes dont plus de 40 % des résidants actifs travaillent dans l’aire urbaine. L’Insee recense 361 aires urbaines, dont 52 de plus de 150 000 habitants, qui regroupent les trois quarts de la population française.
L’état local du marché dans la définition de Franchise Expert
Il s’agit d’un document synthétique organisé en deux parties, une partie cartographique et une partie données, qui fournit une connaissance globale du marché local.
Il décrit, en fonction des besoins propres à chaque enseigne, les principaux aspects de l’environnement susceptibles d’avoir une influence sur le niveau d’activité de l’unité franchisée, environnement démographique, sociologique, économique, urbain, commercial, et concurrentiel.
Si les données sont disponibles l’état local du marché fournit le niveau des dépenses commercialisables des ménages résidant sur la zone d’étude pour les postes budgétaires considérés.
A partir de ces données, le franchiseur est en mesure de valider la conformité des caractéristiques générales de l’aire de marché aux normes d’implantation du réseau.
L’état local du marché collecte les données et les organise par catégories.
Les décideurs concernés par le projet sous-tendant le contrat de franchise, franchisé et franchiseur mais aussi associés, actionnaires, prêteurs et banquiers, peuvent vouloir disposer d’informations plus fines issues d’une étude de marché, afin de mieux asseoir les perspectives économiques du projet.
L’étude de la zone d’influence théorique du point de vente ou de service
Cette étude détermine en premier lieu la zone de chalandise et ses sous zones, délimitées en isodistance ou en isochronie.
La zone d’influence ou zone de chalandise se définit comme l’espace-temps à l’intérieur duquel se réalise au moins 80 % du chiffre d’affaires du point de vente ou de service.
L’étude de la zone de chalandise reprend les mêmes indicateurs que l’état du marché local mais intègre un plus grand nombre de variables qui font l’objet d’une analyse à l’Iris.
Le marché théorique
Les niveaux de consommation et de dépenses ainsi que les conditions d’achat des produits concernés (biens ou services) sont étudiés.
Le marché théorique de la zone est calculé à l’Iris, généralement en appliquant la formule suivante :
Nombre de ménages de la zone X dépense nationale moyenne par ménage
X indice de consommation = marché théorique de l’Iris.
On obtient ainsi une approximation correcte du volume de la consommation des habitants résidant sur la zone. La qualité des indices utilisés et leur finesse en termes de catégorie de produit ou en terme de zonage (commune ou Iris) n’est pas sans influence sur la précision des résultats.
Un certain volume de dépenses peut être réalisés en dehors de la zone de chalandise par les personnes qui résident sur la zone, c’est l’évasion commerciale, ou au contraire être réalisés sur la zone par des personnes qui n’y résident pas, il s’agit alors d’invasion commerciale. C’est pourquoi le calcul du marché théorique fait l’objet de différents ajustements.
Une enquête peut enrichir l’étude avec des données qualitatives du type attitudes, intérêt, opinions, comportements d’achat.
Le marché potentiel du projet
Le marché potentiel du projet est ensuite calculé, souvent par application d’un modèle mathématique, par exemple gravitaire probabiliste, qui calcule la probabilité pour un consommateur de fréquenter un point de vente plutôt qu’un autre en fonction de variables d’utilité. Ce type de modèle considère que l’attractivité du point de vente est proportionnelle à sa taille mais inversement proportionnelle à sa distance aux consommateurs et à l’importance de la concurrence.
L’activité future sera cependant pondérée par de nombreux facteurs dont certains sont endogènes, attractivité et puissance concurrentielle du concept, stratégie d’ouverture, pression publicitaire exercée sur la zone, qualité de la gestion du point de vente, qui exerceront une influence déterminante sur la prise de part de marché au plan local de la nouvelle unité.
Si les données réseau sont disponibles en quantité suffisantes, il est aussi possible d’élaborer un modèle de connaissance propre au concept. Le modèle procédera partiellement par analogie avec d’autres ouvertures opérées dans des environnements similaires pour estimer le marché potentiel du projet.
Conclusion
A la différence de l’étude de marché, l’état local du marché ne procède à aucun traitement de données, à aucune analyse des résultats, à aucun calcul, et ne formule pas de conclusions ou de recommandations. Il liste et décrit par cartographie et indicateurs.
Dans un contexte d’utilisation de l’Etat local du marché, la prise de décision peut valablement s’appuyer sur trois éléments propres aux réseaux du commerce indépendant organisé :
- la cartographie et les données fournies par l’état local du marché,
- la conformité des principaux indicateurs, démographiques, sociologiques, économiques et concurrentiels aux normes d’implantation du réseau,
- l’expérience du franchiseur concernant des ouvertures précédentes dans un environnement identique.